Taureau androcéphale ailé
Le taureau androcéphale* ailé est une sculpture monumentale mesurant 4 mètres 20 de hauteur pour un poids d’environ trente tonnes. Il représente un être hybride* associant une tête humaine, des oreilles et un corps de taureau ainsi que les ailes d’un rapace. La tête présente de nombreux éléments de l’art mésopotamien* modelés avec précision : des yeux en amande et expressifs, des sourcils épais se rejoignant au-dessus d'un nez puissant, une bouche ourlée surmontée d'une fine moustache. Autre témoignage, la barbe et le poitrail, sont tous deux constitués de boucles très régulières et linéaires, couvrant ici les joues et le menton. La tête est coiffée d'une tiare* ornée de plumes et de motifs floraux, surmontée de deux paires de cornes superposées. Le corps, d’un rendu anatomique précis, est celui d’un taureau marchant à pas lents : l'animal est doté de cinq pattes au lieu de quatre, ce qui permet de le représenter à l’arrêt, lorsque l'on regarde la sculpture de face, et en marche, lorsque l'on regarde l'œuvre de profil.
Leurs dimensions impressionnantes leur permettent de dégager un sentiment de puissance et de crainte chez le visiteur. Néanmoins, par leurs proportions harmonieuses, ils semblent bienveillants, impression renforcée par l’expression paisible de leur visage et par les ailes qui contribuent à une certaine légèreté de l’ensemble. Il faut savoir que cette statue monumentale était peinte à l’origine, comme tous les reliefs décorant les palais assyriens. On a en effet retrouvé des traces de polychromie* sur d’autres reliefs du palais de Khorsabad. Ces immenses statues ont été taillées chacune dans un unique bloc d’albâtre gypseux, pierre locale et fragile. Celle-ci était extraite, taillée et sculptée sur place, mais certains blocs ont été acheminés par le Tigre sur des traîneaux tirés par des dizaines d’hommes, puis chargés sur des radeaux et transportés jusqu’à Khorsabad. En effet, la qualité de la pierre primait sur la distance du transport.
Ce taureau ailé s’inscrit dans un vaste complexe palatial pensé par Sargon II. Ce dernier, roi d’Assyrie, règne à partir de 722 avant J.-C. A cette époque, l’empire assyrien compte deux capitales : Assur, centre historique, administratif et religieux du pays, ainsi que la ville siège de la résidence royale Nimrud. Or, Sargon décide, en accord avec ses dieux, de créer une nouvelle ville, Dur-Sharrukin (actuelle Khorsabad), signifiant littéralement « la forteresse de Sargon », dont le chantier démarre en 717 avant J.-C. Il fait de cette ville un lieu monumental et un instrument politique d’autoglorification. Plus de 50 taureaux ailés encadrent les portes monumentales de la ville ainsi que celles du palais. La nouvelle ville est inaugurée en 706 avant J.-C. mais Sargon meurt un an plus tard en 705 avant J.-C. et son fils et successeur Sennachérib fait le choix de partir à Ninive en abandonnant la ville neuve.
Les taureaux ailés étaient des entités gardiennes, appelées par les Assyriens lamassu*, destinées à protéger la ville et le palais contre tout ennemi éventuel. En effet, ces génies protecteurs allient le courage et la force du taureau à l’intelligence humaine. Ils assurent, outre une fonction pratique de pilier dans l’ensemble architectural, une fonction hautement symbolique : en tant que génies protecteurs, ils sont garants de la stabilité du palais, de l’empire et donc du monde. Cette interprétation est directement visible à travers la posture de cette statue : de face, on peut se rendre compte que le taureau ailé est à l’arrêt, reposant sur ses deux pattes avant plantées dans le sol, symbolisant ainsi la stabilité de l’empire. De profil, il est cette fois représenté en marche, symbolisant la force dynamique de ces génies protecteurs.
C'est la rivalité franco-anglaise pour le contrôle de la route des Indes qui donne le coup d'envoi à la recherche archéologique dans cette région avec la création, en 1842, par Louis-Philippe, du consulat de France à Mossoul. Le nouveau consul Paul-Emile Botta, médecin et botaniste, est à la recherche des vestiges de Ninive, une des plus prestigieuses capitale du monde antique. Or, il découvre le site de Khorsabad où il ouvre le premier chantier de fouilles en Mésopotamie. En 1845, pour le premier envoi d’antiquités vers la France, deux taureaux ailés sont choisis et découpés en 6 morceaux pour l’une et 5 pour l’autre afin d’être transportés plus facilement plus facilement. Ceux-ci vont alors être acheminés jusqu’au Louvre. En 1847, la première salle assyrienne du musée du Louvre est alors inaugurée.
Génie protecteur garant de la stabilité du palais, de l’empire et donc du monde, le taureau androcéphale ailé est un modèle de vertu incarnant protection, force et courage. Pour autant, étant tourné vers l’extérieur, il symbolise également la puissance conquérante du peuple assyrien ainsi que l’orgueil de Sargon II qui se voyait comme “le roi de l’univers”.
Cartel
Taureau androcéphale ailé
721-705 avant J.-C.
Haut-relief et ronde-bosse
H. : 4,20 m. ; L. : 4,36 m ; Pr. : 0,97 m
Musée du Louvre
© Musée du Louvre
© Photo RMN / Franck Raux