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Le Prêteur et sa femme

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Le tableau de Quentin Metsys, Le changeur et sa femme est une huile sur bois datant de 1514. Ce tableau porte à la fois le nom de Le changeur et sa femme, Le prêteur et sa femme ou encore Le banquier et sa femme. Le tableau nous présente un couple attablé à l’intérieur d’une boutique. La femme, assise à notre droite, interrompt sa lecture pour se tourner vers l’homme occupé à équilibrer une balance. Ils sont légèrement penchés l’un vers l’autre. Une variété d’objets est disposée derrière eux sur deux étagères et, devant eux sur le tapis vert qui recouvre la table. Il y a donc trois plans : La table et les objets, le couple, le mur et les deux étagères. L’espace est peu profond, malgré les deux ouvertures : celle ménagée par la porte dans l’angle supérieur droit et celle suggérée par le reflet du petit miroir posé vers le milieu, sur le devant. La femme est vêtue d’une robe rouge serrée à la taille par une ceinture de couleur grise, qui s’accorde avec les fourrures de petit-gris qui bordent le décolleté et l’extrémité des manches. Une coiffe immaculée encadre son visage, fixée par une épingle dorée, le tout surmonté d’un étrange chapeau marron qui ne semble formé que de plis. Malgré l’orientation du visage et le mouvement du corps, le regard reste vague. L’homme est l’image inversée de la femme. Son corps est aussi incliné et sa tête penchée, les yeux mi-clos. Également serré à la ceinture, cette fois, son habit est garni de fourrure et animé de plis. Son vêtement n’a pas l’éclat de celui de sa voisine. L’ombre accentue l’aspect grisâtre de la teinte bleutée. La tête est couverte d’un chapeau sombre. Le coude appuyé sur la table, la main levée, l’homme tient un trébuchet*, fine balance qui sert à peser les monnaies car les monnaies varient selon leurs poids, et leurs compositions en métal précieux que l’on appelle l’aloi*.

 

Ce tableau est une scène de genre d’argent, une des premières de l’histoire de la peinture. Le sujet apparemment profane* met en scène un couple de riches bourgeois. On peut mettre en regard l’activité du changeur avec le rôle économique d’Anvers en ce début du XVIᔉ siècle. Supplantant Bruges, Anvers est alors l’une des principales villes commerçantes d’Europe. C’est là qu’affluent les métaux précieux d’Europe centrale, les draps d’Angleterre, les épices d’Indes, les soieries d’Italie, l’alun, dont la ville a le monopole du commerce depuis 1491. A Anvers, ville cosmopolite, viennent s’approvisionner des marchands de toute l’Europe. Des pièces de monnaies de diverses origines circulent dans la ville. La profession de changeur est donc indispensable pour vérifier leurs poids et regarder aussi l’état et la qualité de l’aloi. Cependant le tableau recèle un certain nombre d’ambiguïtés qui contredisent sa simplicité apparente et suscitent des difficultés d’interprétation.

 

 

Il est possible de donner une interprétation morale et religieuse à cette scène. Ainsi, le livre d’Heures que feuillette la femme et qui montre une image de la Vierge à l’Enfant, tout comme le clocher d’une église qui se reflète dans le miroir rendent évident le contenu chrétien de l’œuvre. D’autres objets à fort potentiel symbolique sont présents : la balance peut évoquer la pesée des âmes au moment du Jugement dernier. La chandelle éteinte représente la mort, le fruit frais et intact sur l’étagère évoque le péché originel, le hanap en cristal, la carafe translucide et le dizain* en perles de cristal renvoient métaphoriquement à la pureté de la Vierge. Les nombreuses allusions religieuses sont confrontées aux pièces d’or et d’argent manipulées par le changeur. L’œuvre serait donc une allégorie de la cupidité et de l’avarice, voire de la luxure, traditionnellement associées à la représentation de l’argent, des bagues et des joyaux.

 

 

Réalisée à une époque de profondes transformations économiques dans une ville où la richesse afflue, cette peinture pose la question des rapports de la religion à l’argent. Traditionnellement, l'Église chrétienne voit dans l’argent un danger moral et éprouve une méfiance originelle à son égard : dans les Évangiles, Jésus met en garde contre « Mammon » le dieu de l’argent, et il est lui-même trahi par Judas qui le vend en échange de pièces d’or. L’œuvre traitée avec subtilité est difficilement réductible à une simple dénonciation de l’argent et de la cupidité collective des riches marchands mais évoque davantage un risque dont chacun doit se garder. La balance parfaitement équilibrée qui est au centre du regard peut être lue comme une invitation à résister à la tentation de l’argent et à maintenir un équilibre fragile entre vie matérielle et vie spirituelle.


 

 

Cartel

Le Prêteur et sa femme,

Quentin Metsys

1514

Huile sur panneau

H. : 0,70 m. ; L. : 0,87 m

Musée du Louvre

© Musée du Louvre

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Le Prêteur et sa femme, détail,

Quentin Metsys, 1514, huile sur bois.

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Le Prêteur et sa femme, détail, Quentin Metsys,

1514, huile sur bois.

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