La Marquise de Pompadour
Maurice Quentin de la Tour, surnommé « le prince des pastellistes », acquiert une réputation intarissable dans cette technique en utilisant la légèreté et l’effet vaporeux du médium*. Il était le portraitiste de pastels le plus doué de son temps et reçut de la famille royale plusieurs commandes. L’art du portrait et la possibilité de travailler plus vite avec la technique du pastel qu’avec la peinture lui garantissent des revenus faciles. Réalisé probablement en 1749, mais achevé seulement qu’en 1755, ce portrait de la marquise de Pompadour est le résultat de plusieurs essais successifs. Aussi, l’œuvre est composée d’un ensemble d’au moins huit feuilles de papier bleu marouflées*, donc collées sur une toile. Le visage est, avec la main gauche, réalisé d’après modèle, ce qui n’est pas le cas du reste.
Madame de Pompadour, née Jeanne-Antoinette Poisson en 1721 dans une famille bourgeoise, acquiert noblesse et fortune en étant mariée à un certain Charles-Guillaume Lenormant d’Étioles. En 1745, elle rencontre le roi Louis XV et en devient la maîtresse officielle. Le roi lui accorde alors le titre de marquise de Pompadour. Elle resta la favorite du roi jusqu’en 1750, époque à laquelle elle devient son amie, mais aussi une confidente fidèle ainsi qu’une véritable conseillère politique. Étrangère au début au monde fermé de la cour, elle n’y fut jamais acceptée en raison de ses origines roturières*. C’est par le biais des arts qu’elle réalise sa défense et tente de s’imposer. De nature enjouée et cultivée, elle est ouverte aux idées modernes. C’est probablement dans les « salons d’esprit » qu’elle rencontra ceux qui allaient devenir ses amis et protégés, les philosophes des Lumières, tels Voltaire et Montesquieu. Protectrice de tous les arts, elle favorisa l’émergence de la manufacture de Sèvres, spécialisée dans la porcelaine. Elle fut mécène du peintre Boucher ainsi que du pastelliste Maurice Quentin de la Tour à qui elle commanda ce tableau.
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La marquise a choisi de la Tour pour mettre en image sa personnalité et ses goûts. Il s’agissait pour la marquise de répondre aux attaques dont elle faisait l’objet et de valoriser son image comme protectrice des arts. De La Tour nous montre la pratique musicale de la marquise qui excellait dans ce domaine et qui charmait le roi : elle possédait une jolie voix et faisait donc du chant. Elle jouait également du clavecin et de la guitare baroque, que l’on voit représentée sur le divan à gauche de la composition. Sur le tableau, elle feuillette un cahier de musique. De plus, derrière elle, est représenté un ensemble de six ouvrages appartenant probablement à sa bibliothèque privée, comprenant entre autres La Henriade de Voltaire (1728) ou encore De l’esprit des lois de Montesquieu (1748). Un globe terrestre est également représenté, rappelant le goût pour la géographie qu’elle partageait avec le roi. De plus, un manuel de gravure, un carton à dessins portant ses armes ainsi qu’un paysage en peinture, montre que la marquise soutenait la peinture, le dessin, la gravure, la littérature, la musique…
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Désireuse de rompre avec les traditionnels portraits d’apparat*, Madame de Pompadour choisit de poser dans un lieu intime : un cabinet d’intérieur. C’est donc un mélange de portrait monumental et intime… Elle est représentée assise sur un fauteuil Louis XV. Le visage tourné vers la droite, elle semble songeuse. C’est un instant bref, saisi sur le vif, qui semble être montré ici. La marquise est vêtue d’une somptueuse robe à la française, habit porté à la cour en dehors des cérémonies officielles. Son raffinement traduit l’élégance de la marquise. Cependant, elle ne porte aucun bijou et sa coiffure est plutôt simple. C’est une claire réponse aux attaques qui lui sont adressées au sujet de ses dépenses et de sa prétendue frivolité.
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Présenté au Salon de 1755 à la place d’honneur, le chef-d’œuvre de La Tour reçut des louanges presque unanimes. Il ne changea certes pas les opinions de Louis XV, pas plus qu’il ne put éteindre les critiques sur sa favorite, mais il laisse à l’histoire l’image d’une femme intelligente, au goût sûr, et dont les vues politiques et artistiques étaient en avance sur leur temps.
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La marquise de Pompadour incarne ainsi une figure ambivalente entre vices et vertus. En effet, à sa réputation de femme à la vie dissolue, elle répond par la commande de ce portrait qui la vante en tant que protectrice des arts.
Cartel
La Marquise de Pompadour,
Maurice-Quentin Delatour
1752-1755
Pastel sur papier bleu
H. : 1,75 m. ; L. : 1,28 m
Musée du Louvre
© Musée du Louvre
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Portrait de Madame de Pompadour, François Boucher, 1756, huile sur toile, 201 x 157 cm, Munich, Alte Pinakothek, © rivage de Bohème
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