La Dentellière
La Dentellière de Johannes Vermeer est un des plus petits formats de la production de l’artiste. Il s’agit d’un artiste hollandais né à Delft en octobre 1632 et mort dans la même ville en décembre 1675. Il fut considéré de son vivant comme le plus grand peintre de sa ville, et a bénéficié de la protection de riches commanditaires. Au XVIIIᵉ siècle, Vermeer est un peintre estimé, majoritairement aux Pays-Bas. En effet, l’essentiel de sa production fut achetée à Delft par un seul collectionneur, Pieter Claesz van Ruijven, qui appartient à la haute bourgeoisie. C’est seulement au début du XIXᵉ siècle qu’un fort engouement se produit en France pour la peinture de celui que son premier biographe, Théophile Thoré-Bürger, critique d’art, appelle en 1866 “le Sphinx de Delft”. Il devient alors très célèbre, si bien que les prix de ses œuvres augmentent rapidement et ses tableaux font l’objet de nombreuses copies. Cette célébrité explique que le musée du Louvre fait l’acquisition en 1870 de La Dentellière. Il s’agit du premier tableau de l’artiste à entrer dans une collection publique en France. Il a été acheté pour 7500 francs, une forte somme pour l’époque.
Au centre de ce tableau, se trouve une femme, assise et penchée sur son ouvrage pour l’observer de près, semblant concentrée sur son travail qui demande une certaine précision. Elle réalise en effet une petite pièce de dentelle à l'aide des petites navettes qu'elle tient dans les mains, d'où son nom : la dentellière. Elle est vêtue d’un haut jaune orné d’un col en dentelle : il s’agit sans doute d’une bourgeoise, pratiquant une activité réservée aux jeunes filles de cette classe sociale. A sa droite, au premier plan, est représenté un coussin à couture de couleur bleue, laissant tomber des fils de couleurs rouge et blanc, qui nous permet d’affirmer que la jeune fille effectue un travail de couture.
C’est un tableau intimiste, caractérisé par un espace clos et par une lumière dorée habituelle chez Vermeer. L’artiste nous invite à nous recueillir face à une figure féminine dont le cadrage est très resserré. De plus, un travail a été réalisé sur le contraste et les ombres, notamment au niveau du visage et des doigts, mais aussi sur l’alternance de l’imprécision et de la netteté. Vermeer a privilégié une perspective en contre-plongée afin de mettre en avant aussi bien le visage que les mains de la jeune fille et la précision de son geste. Or, certains spécialistes se sont demandés si l’artiste n’avait pas utilisé la technique de la camera obscura*, ou chambre noire, pour réaliser son œuvre. Cette hypothèse reste encore très présente aujourd’hui. En effet, la profondeur de champ suggère l’utilisation de cette technique et explique pourquoi le visage du personnage reste flou, au contraire de son ouvrage.
La Dentellière est une scène d’intérieur réalisée à la fin de la carrière du peintre. L’œuvre est exemplaire de l’art de Vermeer qui peignit essentiellement des scènes de genre* rattachées le plus souvent à un univers de femmes. Souvent qualifiée de peinture silencieuse, mystérieuse ou secrète, la Dentellière est une peinture qui ne cherche pas le rendu précis de ce qui est représenté. Son sujet fut traité à plusieurs reprises par d’autres peintres hollandais : il s’inscrit donc dans la tradition iconographique hollandaise qui laisse une large place à la scène de genre d’intérieur, et plus particulièrement aux scènes de la vie domestique. Enfin, ce tableau est difficile à classer : il pourrait s’agir aussi bien d’un portrait de l’épouse du peintre, Catharina Bolnes, que d’une scène de genre. L’expression désigne en effet tout sujet pris dans la vie quotidienne.
Enfin, la Dentellière, modèle de soin, d’application et de rigueur dans son travail, pourrait passer pour une figure de la vertu du travail.
Cartel
La Dentellière,
Johannes Vermeer
Vers 1670-1671
Huile sur toile
H. : 0,24 m ; L. : 0,21 m
Musée du Louvre
© Musée du Louvre
Nicolas Maes, La dentellière, 1656, huile sur toile, H. 45.1 ; L. 52.7 cm, Metropolitan museum of art, New York, © The Friedsam Collection, Bequest of Michael Friedsam, 1931